Jean Staune : Jésus l'enquête

08/02/2025

«Matrix et la physique quantique nous aident à comprendre qui est vraiment Jésus» Selon Jean Staune, qui vient de publier Jésus. L'enquête chez Plon, les propos que tient le Christ dans l'Évangile de saint Jean montrent définitivement qu'il n'est pas seulement un homme mais l'incarnation de celui qui est à l'origine de notre Univers. Et les derniers progrès de la science donnent une crédibilité nouvelle à cette affirmation qui a pu paraître absurde pendant deux mille ans.

LE FIGARO MAGAZINE. - Vous dites avoir écrit un livre d'enquête sur Jésus. Peut-on encore découvrir des choses nouvelles sur le sujet?

Jean STAUNE. - Cela peut paraître présomptueux d'écrire sur un sujet où tout et son contraire ont été dits depuis tant d'années… Mais c'est comme les pièces d'un puzzle: toutes sont sous nos yeux depuis déjà longtemps, mais il peut exister des façons nouvelles de les articuler.

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Quelle conclusion se dégage de votre enquête?

Contrairement à ce que pense l'exégèse moderne pour laquelle l'Évangile de Jean est le plus éloigné du «Jésus de l'Histoire», j'affirme que le texte écrit par Jean est le plus fiable et le seul écrit par un témoin direct de l'enseignement de Jésus. Ce que n'étaient pas les trois autres auteurs des Évangiles: Marc et Luc n'ont pas connu Jésus, et l'Évangile dit de «Matthieu» parle de Matthieu comme un apôtre parmi les autres. Jean était le fils spirituel du Christ (c'est le sens de l'expression qu'il emploie pour se désigner: «le disciple que Jésus aimait»). Mais il n'a jamais fait partie des 12 apôtres. C'était un Judéen d'une famille sacerdotale habitant Jérusalem, connaissant le grand prêtre, ayant rencontré Jésus lors de passages dans cette ville ignorés par les autres Évangiles.

Tout le monde s'était donc trompé sur la personnalité de l'évangéliste Jean?

Non, parce que jusqu'au IIIe siècle, personne, je dis bien personne, parmi les Pères de l'Église, et je l'ai vérifié en les relisant tous, n'a affirmé que Jean fils de Zébédée, l'un des 12 apôtres, était l'auteur de cet Évangile comme la tradition l'a affirmé par la suite. Et depuis quelques décennies, des gens comme le père Jean Colson, Claude Tresmontant, Jacqueline Genot-Bismuth, et plus récemment l'historien Jean-Christian Petitfils sont arrivés à la même conclusion que moi. Donc l'erreur a duré «seulement» 1600 ans, pas 2000 ans!

En quoi vos découvertes sur Jean changent-elles notre vision de Jésus?

L'Évangile de Jean est le seul où Jésus tient des propos qui peuvent paraître aberrants à un non-croyant: il affirme qu'il existait avant la création du monde, qu'il peut donner la vie à qui il veut, qu'il est la seule voie que l'on peut emprunter pour aller au ciel, etc. Face à de telles affirmations, il n'y a que trois possibilités. La première (qui est soutenue par les universitaires «modernistes») est que ce sont des propos inventés tardivement par des personnes n'ayant pas connu Jésus. La deuxième est qu'il a bel et bien tenu ces propos, mais qu'il était fou, et la troisième, c'est que ces propos reflètent la vérité. Mon enquête élimine la première hypothèse. Écrit par l'homme qui était le plus proche de lui (plus proche encore que les 12 apôtres), et qui a, de son vivant, mieux compris Jésus que tout le monde, l'Évangile de Jean nous donne la vision la plus exacte de ce que Jésus a enseigné et a dit de lui-même. La deuxième hypothèse est en général rejetée, même par les non-chrétiens, car ils reconnaissent en lui un maître de sagesse, et un maître de sagesse est rarement un fou. Reste donc la troisième hypothèse.

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Selon vous, la physique quantique et la technologie des hologrammes permettent de mieux comprendre la vraie nature du Christ. Pourquoi?

Je vais être très provocant. Je prétends qu'il est simplement impossible de comprendre la vraie nature de Jésus sans recourir à des concepts de la physique du XXe siècle. C'est pour cela que pendant des siècles, il y a eu tant de luttes et d'excommunications entre différentes branches du christianisme. Pourtant, le fameux «disciple que Jésus aimait» avait déjà tout compris dès l'origine quand il écrivait: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le verbe était Dieu. Rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui, et tout ce qui a été fait a été fait par lui.» Quand Jésus nous dit: «Qui m'a vu a vu le Père, moi et le Père nous sommes un» et dans le même Évangile nous dit «Le Père est plus grand que moi», cela ne peut se comprendre qu'avec un concept comme celui de l'hologramme. Si vous prenez une photo avec un système holographique, vous aurez une image gravée sur une plaque. Si vous cassez cette plaque en deux et que vous l'éclairez par un laser pour lire l'image qu'elle contient, vous retrouverez l'image de la totalité, et non pas une moitié de l'image, mais avec une moins bonne définition.

On peut maintenant comprendre que Jésus nous dit: je suis porteur de l'information sur la totalité du monde, mais je ne suis pas la totalité, je ne suis qu'un morceau de la plaque.

De même, la notion de dualité en physique quantique nous explique que les fondements des objets sont en même temps des ondes et des particules, soit deux états totalement contradictoires et opposés à notre niveau de réalité. Comment pouvez-vous être à la fois un grain de sable et une onde radio par exemple? C'est pourtant ce que sont réellement tous les composants de notre corps et du monde qui nous entourent.

Ainsi l'idée qui peut paraître absurde aux non-chrétiens: «Comment peut-on être à la fois Homme et Dieu? Être le système dans son ensemble et une partie de ce système?» n'est plus du tout absurde à la lumière d'un tel concept.

N'est-ce pas juste une métaphore?

Pas forcément. J'ai eu la chance d'être l'élève de Bernard d'Espagnat, qui avait conçu le cadre théorique de l'expérience de la non-localité quantique qui a valu à Alain Aspect, qui l'a réalisée, le prix Nobel de physique le mois dernier. Bernard d'Espagnat m'a toujours dit que si on voulait avoir une vision claire de ce qu'était notre monde d'après la physique quantique, c'était l'image de la caverne de Platon: ce que nous prenons pour la réalité, sont en fait des ombres projetées depuis un autre niveau de réalité plus profond. Ce niveau de réalité situé au-delà du temps, de l'espace, de l'énergie et de la matière, d'autres physiciens comme David Bohm ont affirmé qu'il y avait justement… une structure holographique.

Vous proposez une autre analogie, avec le film de science-fiction «Matrix».

Dans Matrix, ce que nous prenons pour la réalité du monde est en fait une gigantesque simulation informatique, c'est très proche de la caverne de Platon. Mais dans le film, l'élu de l'humanité (qui n'est pas sans lien avec Jésus), contrôle le code source de la matrice. Il peut alors faire ce qui apparaît aux yeux des habitants de ce monde comme étant des miracles. Pour moi, c'est exactement ce que fait Jésus: il a le code source de notre matrice (si j'ose dire), et c'est pour cela qu'il peut guérir un paralytique, rendre la vue à un aveugle et même ressusciter un mort. Mais le plus extraordinaire, c'est qu'il nous dit que nous aussi, nous pouvons, si nous atteignons un certain niveau spirituel, faire ce qu'il fait.

Vous affirmez que Jésus existe de toute éternité, et qu'on trouve sa trace aussi bien dans l'Égypte antique que chez les Aztèques. Vous parlez même de «constante spirituelle» …

C'est une simple conséquence logique de ce que Jésus nous dit de lui-même dans l'Évangile de Jean: qu'Il existe avant la création du monde, que par Lui tout a été fait et qu'Il est le maître de la vie. Si cela est vrai, l'homme qui a marché sur terre il y a 2000 ans incarne quelque chose de totalement universel qui concerne non seulement tous les habitants de cette planète quelles que soient leurs religions ou absence de religion, mais aussi (c'est certes une spéculation, mais c'est une conclusion logique qui s'impose) de toutes les planètes de cet Univers où il y a des êtres intelligents. Et il le dit lui-même de la façon la plus claire et la plus nette: il est le «tunnel» qui permet de passer de ce monde où nous sommes au monde véritable. C'est la seule voie possible pour sortir de la caverne de Platon… Dans mon livre, je montre comment, il y a plus de quatre mille ans, les Égyptiens avaient prévu presque dans les moindres détails ce qui allait être l'incarnation de Jésus sous le nom d'Osiris. De façon moins détaillée, d'autres civilisations ont également eu cette intuition. Comme aurait pu le dire Carl Gustav Jung, il s'agit d'un archétype universel susceptible d'avoir été saisi par des personnes n'ayant rien à voir avec le christianisme. Jésus serait donc dans notre Univers quelque chose d'aussi fondamental (et même plus!) que la gravitation et la vitesse de la lumière.

Votre livre est postfacé par Mgr Thomas, ancien évêque d'Ajaccio et de Versailles. Est-il pour autant conforme aux dogmes de l'Église catholique?

Depuis les années 1960, les chrétiens sont libres en ce qui concerne le nom de l'auteur de l'Évangile de saint Jean. Et les conclusions de mon enquête renforcent le cœur de la foi chrétienne. La seule chose qui peut poser problème à l'Église, ce sont les deux derniers chapitres. En y «dévoilant» des textes de mystiques qui ne sont connus, pour certains, que par quelques centaines de personnes sur terre, je décris cette tradition qui remonte à l'Évangile de Jean et rassemble ceux qui sont «nés de l'Esprit» selon l'enseignement de Jésus et qui forment la véritable «communion des saints» au-delà de tous les dogmes et de toutes les Églises constituées.

Pourquoi évoquez-vous saint Padre Pio, prêtre capucin mort en 1968 et canonisé en 2002, à l'appui de votre démonstration?

Le Padre Pio illustre parfaitement les propos de Jésus selon lesquels nous sommes tous potentiellement capables de faire ce qu'il a fait. Le Padre Pio a guéri des aveugles de naissance, fait bien d'autres miracles, et cela à une époque récente. Mais alors qu'il était d'une fidélité parfaite envers l'Église, le Padre Pio n'a pas hésité à donner la communion à un hindou. Pouvant lire dans l'esprit de ceux qui se présentaient devant lui, il refusait l'absolution à ceux qui n'étaient pas sincères. Quand, très gênés, ses «collègues» venaient lui demander ce qu'ils devaient faire avec ces personnes à qui il avait refusé l'absolution, il leur répondait: «Vous, vous devez la donner, parce que moi, quand je la donne, ce n'est pas pareil.» Or il est complètement hérétique et scandaleux pour un prêtre de prétendre que les sacrements qu'il donne ne sont pas les mêmes que ceux que donne un autre prêtre. Ces deux anecdotes montrent qu'il appartenait bien à cette «communion des saints» que certains appellent «l'Église intérieure», tout en étant un des plus grands saints de l'Église catholique à laquelle il était totalement fidèle… Sauf quand des choses d'un autre ordre étaient en jeu.

Cela illustre bien ma position: une fidélité profonde à l'Église, et en même temps l'affirmation forte et irrévocable qu'elle n'est pas le fin mot de l'Histoire. Il me semble qu'une démarche qui respecte l'enseignement chrétien traditionnel tout en ouvrant d'autres perspectives est de nature à répondre à la quête de sens d'une très grande majorité de nos contemporains et les premiers retours que j'ai sur mon ouvrage le confirment.