Voix et voies divines de Jeanne d'Arc

05/03/2025

Sainte, Vierge, Reine de France... Jeanne d'Arc est un évènement de l'histoire universelle qui ne s'est jamais reproduit : une adolescente, très pieuse, qui prend le commandement d'une armée pour faire couronner un roi de France. Avec une vision surnaturelle : rendre le royaume au véritable roi et Seigneur Jésus-Christ. Ceux qui soutiennent que Dieu n'agit pas dans l'histoire trouveront donc ici un éclatant démenti, le plus documenté de tout le Moyen-Âge. Le bienheureux Wladimir Ghika a écrit de Jeanne d'Arc : "C'est la sainte de la confiance suprême dans les réalités surnaturelles, présence de Dieu, vérités divines, personnes vivantes de l'au-delà, anges et saints… Jeanne nous enseigne non seulement à tenir compte de ces réalités, mais à prendre hardiment sur elles notre principal appui pour mieux suffire aux tâches que nous avons à remplir en ce monde." L'authenticité historique des événements de la vie de Jeanne, corroborée par les nombreuses dépositions de témoins oculaires, est indéniable. Grâce aux actes des procès de condamnation, puis de nullité, nous sommes en mesure de retracer l'épopée de Jeanne et d'admirer l'étonnant franc-parler avec lequel elle s'adressait aux plus grands de la terre.

Fille de simples et honnêtes laboureurs, Jacques d'Arc et Isabelle Romée, Jehanne (selon l'orthographe de l'époque) naît, selon la tradition, le jour de l'Épiphanie 1412. La famille est établie en Lorraine française, à Domremy : la partie du village où habite Jeanne est terre de France depuis 1299. Jeanne coule une enfance relativement paisible au milieu de ses frères et sœur, Jacques, Catherine, Jean et Pierre, se montrant particulièrement attentive aux services qu'elle peut rendre à ses parents. En grandissant, la jeune fille témoigne d'une compassion pleine de sollicitude envers les pauvres et devient très croyante, particulièrement proche des sacrements. Elle a une vie de prière très profonde, et en particulier ses pèlerinages à Notre Dame de Bermont (près du village de Greux), quasiment tous les samedis, et même en semaine lorsque ses parents la croient à la charrue, ou ailleurs. Elle y vient parce qu'il y a là la messe trois fois par semaine Elle aime à y prier la Sainte Vierge et à lui offrir des cierges. La dévotion au Nom de Jésus, prêchée à la même époque par saint Bernardin de Sienne, occupe aussi une grande place dans son cœur.

Contexte Historique de la vie de Jeanne d'Arc

Pourtant, le royaume est plongé depuis 1337 dans la guerre de Cent Ans. Étant eux aussi descendants de Philippe Le Bel, par les femmes, les Plantagenêts d'Angleterre revendiquent par les armes un droit à la couronne de France. Le pays est divisé entre Armagnacs, partisans du roi légitime, et Bourguignons, alliés des Anglais. Des troupes de soldats de tous partis sillonnent le pays et le mettent au pillage, en sorte qu'on ne peut semer ou récolter que sous escorte. Le roi Charles VI a perdu la raison. En 1420, au traité de Troyes (conclut entre la reine Isabeau, femme de Charles VI, le roi Henri V d'Angleterre et le duc de Bourgogne), le dauphin (futur Charles VII) est déshérité en faveur d'Henri V d'Angleterre; de plus, il est prévu que l'unification des couronnes de France et d'Angleterre se fera après la mort du roi Charles VI. Mais, lorsque les souverains des deux nations (Charles VI et Henri V) décèdent, en 1422, le dauphin se déclare roi sous le nom de Charles VII, tandis que le duc de Bedford, régent d'Angleterre, proclame roi de France et d'Angleterre le fils d'Henri V, le jeune Henri VI qui n'a qu'un an. 

"Tout semblait indiquer que la fille aînée de l'Église allait être perdue au profit de la Couronne d'Angleterre. C'est alors que le Ciel utilisa Sainte Jeanne d'Arc pour que cela n'eut pas lieu." Javier Paredes, Professeur d'histoire contemporaine

L'annonciation : Jeanne reçoit son appel "Va, fille de Dieu !"

En 1425, Jeanne a treize ans quand, un jour vers midi, elle entend une voix émanant d'une source étonnante de lumière, dans le jardin de son père. Elle est d'abord effrayée, mais saint Michel avec des anges se fait bientôt connaître. "Je suis Saint Michel, protecteur de la France. Jeanne, il est nécessaire que tu vives différemment, que Dieu accomplisse des actes surprenants, car tu es celle qui a été choisie par le roi des cieux pour accomplir la restauration du royaume de France et pour aider et protéger le Dauphin Charles, chassé de son domaine. Tu t'habilleras en homme et tu prendras les armes, tu seras cheffe de guerre et toit sera régi par ton conseil." Dès lors, une fontaine de grâces rentre dans son âme. Le messager divin lui annonce également la fréquente visite de Sainte Catherine d'Alexandrie et Sainte Marguerite d'Antioche "pour l'aider à se bien gouverner". Jeanne précisera : "Je les ai vus avec les yeux de mon corps, aussi clairement que je vous vois. Et quand ils partaient, je souhaitais être emmenée avec eux pour leur faire la révérence".

Sa première vertu est la fidélité : dire oui à la volonté de Dieu. Abbé Jacques Olivier, auteur du livre Prophéties et prédictions de Jeanne d'Arc : "Jeanne a reçu une mission exceptionnelle, des grâces exceptionnelles, des apparitions exceptionnelles. La volonté de Dieu sur elle a été qu'elle lui obéisse, et Jeanne l'a fait." Ce n'est pas une vertu d'obéissance contrainte, mais une vertu d'obéissance d'amour. MGR Marc Aillet, Évêque du diocèse de Bayonne: "Faire la volonté du Seigneur, ou être dans la volonté du Seigneur, c'est l'objectif de la vie chrétienne. On doit rechercher la volonté de Dieu, et on demande la grâce de l'Esprit Saint pour connaître cette volonté, on demande aussi la force pour pouvoir l'accomplir. En cela, Jeanne d'Arc est un exemple merveilleux."

Les voix se font d'abord sporadiques, puis plus présentes, mais toujours ses conseils permanents. En parlant d'abord de la situation de la France, du triste état de la France, car Jeanne n'était jamais sortie de son village. Puis en étant les meilleures stratèges dans la guerre, un peu comme un service militaire express, Au cours de son procès, elles seront ses meilleures avocates, préférant "rester avec ses propres conseillères, plutôt que de s'écarter du conseil divin" en acceptant les "défenseurs" proposés par ses accusateurs. "Je devais croire ce qu'elles me diraient, car elles étaient aux ordres de Dieu". On ne peut comprendre l'épopée de Jeanne en la détachant de Dieu, et plus particulièrement des apparitions qui viennent régulièrement, y compris dans sa prison, y compris le dernier jour. Et fait plus extraordinaire, quand Jeanne a besoin de ces apparitions, elles les appellent, et comme elle dit, "elles viennent". Mais elles disparaitront sur le bûcher, et elles vont se taire pour qu'elles soient configurées au Seigneur sur la Croix, s'abandonnant complètement au Père. 

L'Archange Saint Michel lui dira que la première chose à faire est de libérer Orléans. Puis couronner le Dauphin, car lui-même doutait de sa légitimité, et Jeanne devait l'en convaincre. Mais il faut savoir que Marie Robine D'avignon, morte en 1399, avait déjà annoncé dans son petit Livre des révélations l'arrivée future de deux évènements : le premier, un royaume qui allait souffrir beaucoup de malheurs, la France ; et le second, une jeune fille, qui ferait sortir la France de cette destruction, dirigerait les armées de France et couronnerait un roi français. On comprend également, d'un point de vue surnaturel, que Jeanne a pour mission de déclarer la régence du Christ sur la Terre, telle une Christera française. Elle doit déclarer les rois français comme des lieutenants, des sortes de vicaires politiques du roi du Ciel et de la France. 

Jeanne gardera cela secret pendant cinq ans. Mais comment s'approcher du Dauphin le moment venu ? La providence intervient quand un oncle lui demande de l'aide, pour assister sa femme sur le point d'accoucher. Il vit à Vaucouleurs, comme le capitaine Robert de Baudricourt qui commandait la place. Or, c'est à lui que les voix lui disent de s'adresser. Dans la crypte de l'église de Vaucouleurs, est présente une image de la Vierge sur laquelle Jeanne d'Arc prie et s'en remet à elle pour sa mission, tout en ayant confiance qu'elle sera entendue; Baudricourt a besoin de se laisser convaincre, et Jeanne lui fait la prophétie de la défaite française de Rouvrais, ce qui le convainc de la laisser partir avec une petite escorte. Elle va traverser la France occupée et arriver au château de Chinon. Elle dut attendre deux jours avant que le Dauphin daigne la recevoir. Il la mit à l'épreuve en se cachant parmi les personnes présentes. Jeanne le reconnut alors qu'elle ne l'avait jamais vu. Elle lui dit : "Ô mon Dieu, gentil prince, c'est vous et non autre." Elle s'enferma alors seule avec lui dans une pièce, pour lui dire quelque chose que lui seul sait et que tous deux gardent dans leur coeur. Au point que le roi Charles VII veuille confier son armée à cette femme. L'oeuvre divine. 

Jeanne est alors envoyée devant une commission de théologiens, où elle confie que la libération d'Orléans sera le premier signe de Dieu. "Au nom de Dieu, les soldats combattront, et Dieu donnera la victoire. Je ne suis pas venu à Poitiers pour montrer des signes. Menez-moi à Orléans et je montrerai le signe pour lequel j'ai été envoyée." Mais le roi doute encore. Alors Saint Michel, Sainte Catherine et Sainte Marguerite lui apparaissent, dans une scène qu'on appelle le grand signe. Les anges vont lui rappeler quelle est sa fonction de roi, chargé de conduire son peuple vers le Salut, et ce même peuple lui apporter sa couronne annoncée à Reims. Le roi est alors convaincu et confie une armée de 10000 soldats à Jeanne qui se dirige vers Orléans. "Dieu voulait réaliser son oeuvre par les moyens d'une pauvre et humble jeune fille (...) Je n'ai demandé qu'une chose : le Salut de mon âme." Le 29 avril 1429, arrivée sur place, Jeanne réalise deux miracles devant témoins : elle intervertit le sens du vent et augmente le niveau des eaux pour qu'il atteigne le rivage.  "Prenez cette tour d'asphalte et jetez la sur le pont!". On connait la suite... En un instant, elle passe du statut de pauvre femme à celui de génie militaire, inventant même la préparation d'artillerie, en suivant simplement ce que Dieu lui disait. Elle est la messagère divine : "Dieu m'a dit ça, je vous le dis. Dieu m'a dit, il faut le faire"... Et le 8 mai, Saint Michel parle à Jeanne et les troupes anglaises lèvent le siège de la ville, sans aucun bain de sang. En 8 jours, Orléans est libéré, puis les anglais chassés de toutes les boucles de la Loire. 

À chaque fois qu'il y a une église, elle rentre et va prier. Elle demande à ses soldats d'être en état de grâce avant le combat. Le soir, elle les réunit pour chanter complies chez les prêtres, et elle refuse les soldats qui ne se sont pas confessés avant. On ne combat pas le dimanche et elle ne se servira jamais de son arme. Elle portait uniquement son drapeau qui galvanaisait les troupes, sur lequel il y avait le nom de Jésus et le nom de Marie. Jeanne demande à aller chercher une épée derrière l'autel de Sainte-Catherine-de-Fierbois, celle-la même utilisée par Charles Martel en 732 lors de la bataille de Poitiers, alors qu'il avait vaincu les musulmans en voulant mettre un terme à la chrétienté. Elle ne l'utilisa jamais pour tuer, seulement pour se défendre, et neessant de répéter : "J'aime mon étendard, plus que mon épée (...) 40 fois plus (...)Je prenais mon étendard pour aller à l'assaut, pour éviter de tuer quelqu'un. Je n'ai jamais tuer personne. (...) Tout l'étendard m'a été dicté par mes voix" et elle va le transmettre à toutes les femmes qui vont broder et tous les peintres qui vont dessiner le Christ. Toute sa mission semble ainsi résumée : tous d'avoir une attitude de chrétiens dans la bataille, et ils la suivent à l'évidence avec une grande confiance fondée sur Dieu. 

L'anneau de Jeanne d'Arc. Une relique nous est restée : son anneau au doigt. Il revêtait pour elle une triple importance. Une importance sentimentale, parce qu'il lui a été donné par son père et sa mère. Une importance spirituelle, car l'anneau a touché Sainte Catherine au moment des apparitions, comme irradié par ses voix. Une importance symbolique, car elle l'embrassait avant chaque bataille. Donc elle embrassait l'anneau de Sainte Catherine, l'anneau de ses voix, l'anneau de son père et sa mère, pour implorer un secours. La curieuse inscription gravée dans son métal conserve tout son mystère. A noter : Au soir du 4 mars 2016, alors que la relique de sainte Jeanne d'Arc vient de rentrer en France, la vendéenne Sonia Drapeau vit une conversion fulgurante au Puy du Fou, au moment où elle touche l'anneau. Alors athée, elle est bouleversée par l'irruption du surnaturel dans sa vie et débute un cheminement intérieur vers le Christ. Un par un, les membres de sa famille, parfois hostiles à la religion catholique, se convertissent également de manière surprenante.

- La filiation : l'anneau reste dans la famille du duc de Bedford (qui parfois change de nom) pendant très longtemps. Au XIXe siècle, l'anneau est vendu à une riche famille, puis dans les années 1920, un industriel anglais l'achète pour sa femme. L'anneau reste dans cette famille jusqu'à la vente aux enchères de 2016.

- Le matériau et les poinçons prouvent que l'objet a été créé dans la région de Domrémy (ce sont en effet les parents de Jeanne qui lui avaient offert).

- Le chanfreinage de l'anneau témoigne de son authenticité

- L'anneau est argenté avec des traces d'or, ce qui abonde dans le sens de Jeanne qui dira à son procès : « Et s'il est d'or, il n'est pas de fin or. »

- Les lettres IHS (pour Jésus) et MAR (pour Maria) sont gravées dans l'anneau, ce sont les mêmes que celles qui étaient inscrites sur l'étendard de Jeanne.

Jeanne d'Arc fut véritablement Reine de France

Le 21 juin 1429, à l'Abbaye de Saint-Benoit-sur-Loire, eut lieu la triple donation de la France, dûment documentée par les notaires royaux. C'est Jeanne d'Arc qui fait appeler les secrétaires et notaires du Roi. Et devant lui, elle lui fera faire une promesse, qui va rester par écrit pour bien montrer que ce n'était pas un caprice ou quelque chose de passager, mais l'un des actes les plus importants de sa mission : 

«Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?» Le Roi hésite, puis consent. «Sire, donnez-moi votre royaume». Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : «Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume». (1ére donation) Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi ; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : «Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien». Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : «Écrivez, dit-elle :Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ''» (2éme donation) Et bientôt après :«Jésus rend le royaume à Charles». (3ème donation) A lire ces lignes, on comprend mieux pourquoi le marquis de la Franquerie a pu notamment dédier son livre « La mission divine de la France « A Jeanne la Pucelle, Martyre pour la France et pour le Roi et héraut de la Royauté Universelle du Christ ».

Jeanne d'Arc fut donc Reine de France, non par dynastie, mais par mérite et acte de foi pendant quelques secondes, et son seul acte de gouvernement en tant que souveraine, fut de remettre le royaume de France dans les mains de Jésus-Christ. Et seulement, quand il fut clair que la France appartenait à Jésus, Jeanne partit pour Reims où le roi sera couronné et oint comme roi de France. Jeanne l'accompagna : ce sera comme la Transfiguration avant la Passion.

"Jeanne fait aussitôt vœu de chasteté; désormais, elle se présentera comme "la Pucelle", c'est-à-dire la vierge"

«Avec le vœu de virginité, Jeanne consacre de manière exclusive toute sa personne à l'unique Amour de Jésus. C'est la promesse qu'elle a faite à Notre-Seigneur de bien garder sa virginité de corps et d'âme. La virginité de l'âme est l'état de grâce, valeur suprême plus précieuse pour elle que la vie: c'est un don de Dieu qui doit être reçu et conservé avec humilité et confiance» (Benoît XVI, Audience générale, 26 janvier 2011). Dès lors, la jeune fille devient plus réservée pour les jeux, fréquente davantage l'église et assiste à la Messe chaque fois qu'elle le peut. L'ange lui a confié, de par Dieu, la mission de secourir le roi pour soulager la grande pitié du royaume de France. Jeanne ignore tout du maniement des armes: comment pourrait-elle mener des hommes au combat? Elle pleure à l'idée de quitter sa famille. L'ange la rassure: «Va, fille de Dieu! Le Roi du Ciel te sera en aide, Il pourvoira à ce qui te manque.»

Dans un premier temps, elle ne dit rien à ses parents. En mai 1428, profitant d'un séjour chez Durand Laxart, un cousin par alliance à qui elle s'est confiée, elle se fait accompagner à la châtellenie royale de Vaucouleurs. Là, elle prie le capitaine Robert de Baudricourt de faire dire au dauphin de ne pas engager le combat avant la mi-carême (3 mars 1429) car il aura alors du secours. Mais elle est éconduite avec rudesse.

«Plutôt aujourd'hui que demain!»

En octobre, les Anglais mettent le siège devant Orléans, une place stratégique qui commande le passage de la Loire et protège les régions restées fidèles au dauphin. Si Orléans tombe, tout le royaume sera anglais. Jeanne sait qu'elle doit s'y rendre pour libérer la ville: «Puisque Dieu le commandait, eussé-je eu cent pères et cent mères, eussé-je été fille de roi, je serais partie!», affirmera-t-elle. Au lendemain de ses dix-sept ans, elle quitte définitivement Domremy et se rend de nouveau auprès de Baudricourt dont elle attend une escorte pour rejoindre le dauphin. Elle essuie un nouveau refus; mais Jean de Metz, un écuyer, l'a remarquée, et il l'interroge sur ses intentions. «Il faut que je sois auprès du dauphin avant la mi-carême, répond-elle, dussé-je m'y user les pieds jusqu'aux genoux…, bien que j'eusse beaucoup préféré rester à filer auprès de ma pauvre mère…, mais il faut que j'aille et que je fasse cela, car mon Seigneur le veut.» En apprenant que son Seigneur n'est autre que Dieu, Jean s'engage à la conduire auprès de Charles et lui demande quand elle veut partir. «Plutôt aujourd'hui que demain, répond-elle, et demain que plus tard.» Après un pèlerinage à Saint-Nicolas-de-Port, en Lorraine, elle retourne à Vaucouleurs et annonce à Baudricourt que l'armée royale vient d'être défaite. Impressionné, celui-ci donne à Jeanne, désormais habillée en homme, une escorte de six compagnons; le départ a lieu le 13 février.

Le trajet de Vaucouleurs à Chinon est un périple de près de 600 km en territoire ennemi.

"Jeanne impressionne les hommes par sa résistance aux fatigues et sa pureté simple qui élève leurs âmes."

Elle entre à Chinon le 23 février. Trois cents chevaliers se pressent dans la salle de réception, mais elle va droit au dauphin qui se dissimule parmi eux et lui dit: «Gentil dauphin, j'ai nom Jeanne la Pucelle, et le Roi des Cieux vous fait savoir par moi que vous serez sacré et couronné en la ville de Reims, et vous serez lieutenant du Roi des Cieux qui est Roi de France.»

"Elle révèle alors au dauphin un secret dont lui seul et Dieu pouvaient avoir connaissance. Convaincu sur le moment, Charles, qui est d'un tempérament hésitant, va cependant éprouver Jeanne."

La Pucelle demeure trois semaines à Chinon. Dans l'intervalle, Charles lui présente le duc Jean d'Alençon, prince du sang qu'elle salue ainsi: «Vous, soyez le très bienvenu. Plus ils seront ensemble du sang royal de France, mieux ce sera.» Le duc témoignera que le lendemain, après la Messe du roi, Jeanne a demandé au dauphin de faire la libre donation de son royaume au Roi des Cieux, condition pour qu'Il le restaure dans ses droits. Le dauphin fait interroger la Pucelle par un collège de théologiens réunis à Poitiers. Là, elle dicte une lettre aux Anglais qu'elle invite, au nom de Jésus, à conclure une véritable paix dans la justice. Aucune réponse ne lui parviendra. Cependant les interrogatoires mettent la patience de la jeune fille à rude épreuve. On lui demande un signe de sa mission, mais elle rétorque que si on la conduit à Orléans, on verra les signes pour lesquels elle a été envoyée.

"Elle fait à cette occasion quatre prophéties: la levée du siège, le sacre à Reims, la libération de Paris et celle du duc Charles d'Orléans, prisonnier en Angleterre."

Quand on lui objecte que Dieu pourrait libérer la France sans moyens humains, elle déclare: «En nom Dieu, les hommes d'armes combattront, et Dieu donnera la victoire.» Les juges sont d'avis que Jeanne est bonne chrétienne et qu'on peut lui faire confiance. Le dauphin lui enjoint alors de travailler au ravitaillement d'Orléans, sous la direction du duc d'Alençon. À Tours, Jeanne se fait confectionner un étendard fleurdelysé «sur lequel est peint l'image de Notre-Seigneur tenant le monde: icône de sa mission politique. La libération de son peuple est une œuvre de justice humaine, que Jeanne accomplit dans la charité, par amour de Jésus. Elle est un bel exemple de sainteté pour les laïcs engagés dans la vie politique, en particulier dans les situations les plus difficiles» (Benoît XVI, ibidem).

La "Pucelle d'Orléans", surnom de Saint Jeanne d'Arc

Le 25 avril, Jeanne rejoint l'armée à Blois.

"Son premier soin est d'en chasser les femmes de mauvaise vie, car «ce sont les péchés qui font perdre les batailles», et ensuite d'engager les hommes à se confesser. Elle ne tolère pas qu'on blasphème, et le duc d'Alençon avouera qu'il se retenait devant elle par peur des réprimandes."

Par la bonté, le courage (elle déclarera n'avoir jamais répandu le sang; elle était pourtant toujours en première ligne) et l'extraordinaire pureté dont sa vie témoigne, Jeanne accomplit auprès des soldats une vraie mission d'évangélisation. Le 28, la Pucelle est en vue d'Orléans (sise sur la rive droite de la Loire), mais, contrairement à son attente, on la conduit par la rive gauche. Le Bâtard d'Orléans (que l'on nommera plus tard Dunois), chef de la place forte, se présente face à Jeanne qui le salue sèchement: «Est-ce vous qui avez donné le conseil que je vienne ici de ce côté du fleuve, et que je n'aille pas tout droit, là où sont Talbot et les Anglais? – Moi-même et d'autres plus sages ont donné ce conseil qui paraît le plus sûr. – En nom Dieu, le conseil du Seigneur notre Dieu est plus sage et plus sûr que le vôtre… Je vous apporte le secours du Roi des Cieux qui, à la requête de saint Louis et de saint Charlemagne, a eu pitié de la ville d'Orléans.» À ce moment le vent, qui était contraire, tourne, et les embarcations destinées à l'approvisionnement de la cité peuvent remonter le courant et accoster. Le lendemain, la Pucelle est accueillie dans la ville comme une libératrice.

"Les jours suivants, elle enchaîne une série de coups de main qui sont autant de coups de maître, en sorte que, le 8 mai, les troupes anglaises quittent les lieux. Pour la postérité, Jeanne restera la "Pucelle d'Orléans"."

«Il sera sacré!»

Le 13 mai, Jeanne rencontre le dauphin à Tours, où elle défend le projet du sacre contre l'avis du conseil royal. Une fois le roi couronné, assure-t-elle, la puissance des ennemis ne fera que décroître. Le 30, la marche sur Reims est décidée. La campagne de la Loire, sous le commandement du duc d'Alençon, doit assurer la sécurité d'Orléans. Il s'ensuit une série de glorieuses batailles: Jargeau, Beaugency, Meung, Patay, où l'assistance divine est palpable. Malgré ces victoires, le dauphin hésite encore à se mettre en route. L'armée est cependant enthousiaste, et Jeanne pleine d'assurance: «Je mènerai, dit-elle, le gentil dauphin Charles et sa compagnie sûrement, et il sera sacré à Reims.» Le 29 juin, Charles se met enfin en route pour une chevauchée de 200 km sur des terres ennemies. Les villes font leur soumission les unes après les autres sans coup férir. Le 16 juillet, la garnison anglaise quitte Reims où le roi est accueilli. Toute la nuit sert aux préparatifs du sacre qui doit être célébré le lendemain. Dans la grandiose cathédrale, l'archevêque de la ville, Regnault de Chartres, oint le dauphin avec l'huile de la Sainte Ampoule, place sur sa tête la couronne et le fait roi.Il sera désormais reconnu comme tel par bien des villes où il passera. Jeanne se réjouit de voir son étendard près du roi: «Il avait été si souvent à la peine, il était juste qu'il fût à l'honneur.»

"Pour seule récompense de ses services, elle demande l'exemption perpétuelle des impôts royaux pour Greux et Domremy."

Le jour même de la cérémonie, alors que dans l'élan de la victoire, l'armée du sacre se trouve toute proche de la capitale, le roi engage des pourparlers de trêve avec les Bourguignons contre la promesse de la reddition de Paris. En fait, il s'agissait pour le duc de Bourgogne de laisser le temps à 3500 Anglais partis le 15 juillet de Calais, de prendre pied pour contrer la marche royale. Le roi entame une série de contremarches hésitantes qui le conduisent à Compiègne. Là, Jeanne fait savoir au duc d'Alençon qu'elle compte aller voir Paris de plus près. Le 8 septembre, ils donnent l'assaut: Jeanne est blessée à la jambe d'un trait d'arbalète, mais elle encourage encore les assaillants. On la retire des fossés et on quitte le champ pour la nuit. Le lendemain, le roi rappelle ses capitaines. L'armée royale reprend la route de la Loire, puis est licenciée fin septembre. Il faudra attendre six ans pour que Paris soit libéré.

"Le conseil royal, jaloux des succès de la Pucelle, persuade le roi de séparer Jeanne et le duc d'Alençon: ils forment un tandem trop belliqueux et gênent le projet d'obtenir la paix par voie diplomatique."

Le duc de Bourgogne entre pleinement dans le jeu des négociations françaises, alors qu'il prépare en secret avec Bedford la reconquête des villes perdues. Jeanne, d'abord éloignée du roi par des missions sans importance décisive, est rappelée par celui-ci pour être anoblie, avec sa famille, le 29 décembre. En février 1430, Reims et Troyes sont menacés par les Bourguignons. Jeanne soutient ces villes de tout son pouvoir. Face à l'inertie du roi, elle prend les devants et, début avril, gagne Lagny, entre Saint-Denis et Meaux. Là, elle ressuscite par sa prière un enfant mort depuis trois jours. Le petit, qui était déjà noir, reprend assez de vie pour être baptisé, puis il meurt à nouveau et entre en Paradis.

Captivité de Jeanne d'Arc et interrogatoires

Le 22 avril, les voix de Jeanne l'avertissent qu'elle sera prise avant deux mois; elles lui recommandent de ne pas s'inquiéter et de «prendre tout en gré», car Dieu l'assistera. La Pucelle vole au secours de Compiègne assiégée par les Bourguignons et entre en ville accompagnée de 400 hommes d'armes.

"Le 23 mai, après avoir communié à la Messe, elle s'adresse à la foule qui l'entoure: «Mes chers amis, on m'a vendue et trahie, je serai bientôt mise à mort. Priez pour moi, car je ne servirai plus le roi ni le royaume de France.»"

Le jour même, Jeanne fait une sortie, mais l'action tourne mal et, pendant la retraite, elle est faite prisonnière devant les portes de la ville qu'elle a trouvées fermées. On lui intime de donner sa foi (sa parole) de se laisser mener, mais elle rétorque: «J'ai donné ma foi à un autre qu'à vous et je lui tiendrai mon serment.» Traînée de geôles en cachots, Jeanne tente en vain de s'évader. Une première fois, elle parvient à enfermer ses gardiens, mais elle est reconnue au moment de sortir des bâtiments. À Beaurevoir, elle se laisse glisser d'une tour de plus de quinze mètres malgré l'avis contraire de ses voix. On la retrouve évanouie. Sainte Catherine la console, lui enjoint de se confesser et de conserver la paix en toutes circonstances.

"À la fin du mois d'août, elle est vendue, et le 19 novembre, livrée aux Anglais qui la conduisent à Rouen; ils atteignent la ville le 23 décembre."

Là, l'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, mandaté par Bedford, a dressé son plan: discréditer la Pucelle par un procès en hérésie et sorcellerie. Quand la jeune fille demande les sacrements pour Noël, il les lui refuse. Alors qu'elle aurait dû, selon le droit ecclésiastique, être gardée par des femmes dans une prison d'église, elle est détenue dans une tour où cinq soldats anglais la maltraitent et l'enchaînent la nuit.Le 21 février, Jeanne tout juste âgée de dix-neuf ans, épuisée par neuf mois d'une dure captivité, comparaît devant Cauchon entouré de plus de quarante assesseurs. Six sessions publiques se déroulent jusqu'au 3 mars. Chaque fois, pendant au moins trois heures, Jeanne est prise sous le feu roulant de questions captieuses. Elle demande un défenseur, un jury mixte anglais et français, ainsi que la possibilité d'assister à la Messe. Cauchon refuse tout. À chaque session, il la harcèle longuement. Jeanne fait clairement savoir qu'elle a promis de ne rien révéler concernant son roi: «Vous ne devez pas vouloir que je me parjure… Vous dites que vous êtes mon juge. Considérez sérieusement ce que vous faites; car en vérité, j'ai été envoyée de la part de Dieu. Vous vous jetez dans un grand danger.» Du 4 au 9 mars, les docteurs se réunissent pour exploiter les réponses et préparer l'interrogatoire supplémentaire qui aura lieu à huis clos. Les questions tourneront autour de la moralité de Jeanne et de ses voix, de sa soumission à l'Église, du signe donné au roi et de son habit d'homme.

Dans le danger, Jeanne a recours au Seigneur, à qui elle se confie dans la prière: «Très doux Dieu, en l'honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m'aimez, que vous me révéliez comment je dois répondre à ces gens d'Église.» De fait, les paroles de la sainte brilleront d'une sagesse inspirée.

"«Pourquoi est-ce vous plutôt qu'une autre que Dieu a choisie pour délivrer Orléans? lui demande-t-on. – Il plut à Dieu de faire cette œuvre par une humble et pauvre fille. – Que demandez-vous à vos voix comme récompense? – Une seule: le salut de mon âme. – Avez-vous besoin de vous confesser, croyant à la parole de vos Voix que vous serez sauvée? – Je ne sais point que j'aie péché mortellement… pour ce qui est de me confesser, je le voudrais cependant, je pense qu'on ne saurait trop purifier sa conscience. – Êtes-vous en état de grâce? – Si je n'y suis, Dieu m'y mette, si j'y suis, Dieu m'y garde. Cependant je serais la plus malheureuse femme du monde si je savais être en état de péché mortel. – Fondiez-vous l'espérance de la victoire sur vous ou sur votre étendard? – Ni sur moi, ni sur mon étendard; ma confiance était toute en Notre-Seigneur Jésus-Christ.»"

Aimer l'Église jusqu'à la fin, la mort de Sainte Jeanne d'Arc

On veut convaincre Jeanne d'hérésie en montrant qu'elle ne se soumet pas aux décisions de l'Église, à qui Cauchon et ses assesseurs s'identifient. On la presse: «Un jour, vous en rapporterez-vous à l'avis de l'Église? – Je m'en rapporte à Notre-Seigneur qui m'a envoyée, à Notre-Dame, aux saints du Paradis. M'est avis que de Notre-Seigneur et de l'Église, c'est tout un, et que de cela on ne doit pas faire de difficulté. Pourquoi faites-vous difficulté sur cela?» Le Pape Benoît XVI dira: «Cette affirmation, reprise par le Catéchisme de l'Église Catholique au n. 795, possède un caractère vraiment héroïque dans le contexte du procès de condamnation, face à ses juges, hommes d'Église, qui la persécutèrent et la condamnèrent. Dans l'amour de Jésus, Jeanne trouve la force d'aimer l'Église jusqu'à la fin, même au moment de sa condamnation» (ibidem).

À plusieurs reprises, Jeanne fait appel au jugement du Pape, mais ses juges n'en tiennent pas compte. Après un simulacre de procès, Cauchon condamne la Pucelle à être brûlée vive sur la place du vieux marché. L'exécution a lieu le 30 mai 1431: Jeanne reçoit les sacrements puis demande qu'on lui mette le crucifix sous les yeux tant que dure le supplice. Elle expire ainsi en regardant Jésus crucifié et en prononçant plusieurs fois et à haute voix son saint Nom.

"Les bourreaux jetteront à la Seine le cœur de la sainte, retrouvé intact parmi les cendres."

Après la mort de Jeanne, ses prophéties se réalisèrent: le duc d'Orléans rentra en France, Paris fut libéré le 13 avril 1436, et la guerre de Cent Ans prit fin en 1453 avec la prise de Bordeaux. En 1456, un long procès mit en relief l'innocence et la parfaite fidélité de Jeanne à l'Église. Béatifiée par saint Pie X en 1909, la Pucelle a été canonisée le 16 mai 1920 par Benoît XV, et nommée patronne secondaire de la France (Notre-Dame en est la patronne principale), le 2 mars 1922. Elle est fêté le 30 mai.