Joseph de Cupertino : le Saint volant

26/02/2025

Joseph de Cupertino. Le 4 octobre 1630, lors de la procession en l'honneur de St François d'Assise, Joseph vit sa première lévitation. Il est surpris de ce qui lui arrive, puis perd à moitié connaissance. Lorsqu'il se rend compte de ce qui vient d'arriver, il s'enfuit apeuré pour se cacher. Cette lévitation sera suivie d'une centaine d'autres, dans différents endroits, devant une grande variété de personnes, parmi lesquelles les franciscains de différents couvents, plusieurs cardinaux, dont le futur cardinal Lorenzo Brancati di Lauria, le duc Jean-Frédéric de Brunswick-Lunebourg (converti au catholicisme à la suite de sa rencontre avec le saint), le pape Urbain VIII (législateur peu versé dans la mystique) etc. D'autant qu'il ne s'élevait pas à quelques millimètres mais le plus souvent à plusieurs mètres dans les airs et parfois pendant près de deux heures. Il se retrouva même coincé dans les branches d'un arbre, sous les yeux de ses confrères. Joseph possédait un amour tellement immense pour le Seigneur que celui-ci le soulevait dans les airs lorsqu'il se laissait emporter par sa prière. 

Joseph, dit de Cupertino, petite ville des environs de Salente, diocèse de Nardo, naquit de parents pieux, l´an de grâce 1603. Prévenu de l´'amour de Dieu, il passa son enfance et sa jeunesse dans une grande simplicité et innocence de moeurs. Délivré d'une cruelle maladie, par sa bonne Mère du ciel, Joseph s'appliqua avec une nouvelle ardeur aux oeuvres de la piété et à la pratique des vertus; et, pour s'unir plus intimement à Dieu, qui l'appelait à une perfection plus élevée, il voulut revêtir les livrées du Séraphin d'Assise. Après bien des difficultés, il parvint enfin à la réalisation de ses désirs et entra chez les Pères Capucins, où, vu son ignorance des lettres humaines, il fut d'abord reçu parmi les Frères-lais. Toujours ravi en Dieu, il mettait un temps si considérable à exécuter des travaux de peu d'importance que les supérieurs, le jugeant incapable de rendre aucun service à la communauté, le renvoyèrent dans le siècle.

Il se trouva alors dans une bien triste position. Aucun de ses parents ne voulait lui donner asile, sa mère le maltraitait, et tous le considéraient comme un paresseux et un insensé. Enfin, sur les instances de sa mère, les Frères Mineurs Conventuels consentirent à lui donner l'habit de saint François, en le chargeant de soigner la mule du couvent. Dans cet humble emploi, il se distingua tellement par la sainteté de sa vie, et par son zèle pour la conversion des pécheurs, que ses supérieurs s'aperçurent bientôt la valeur de cette âme extraordinaire. Ils conçurent pour lui la plus haute estime, et le reçurent enfin dans 1a communauté sous le nom de Frère Joseph. 

Le procès intenté contre lui en 1638 tourne court. Sa complète innocence est reconnue par l'Inquisition : aucune supercherie, aucun mensonge, aucune complicité, aucune quête matérielle ni volonté de séduire, aucune erreur doctrinale chez Joseph, pourtant quasi illettré. On l'arrête une seconde fois en 1653 et on l'interroge à nouveau pendant des semaines. Une nouvelle fois, son innocence éclate à la vue de tous. Ces transports aériens, ces vols dans l'espace furent si habituels à notre Saint que les actes du procès de canonisation en rapportent plus de soixante-dix survenus dans le seul territoire de Cupertino. Aussi peut-on affirmer sans crante, que durant la moitié peut-être de sa vie, ses pieds n'ont point touché le sol.

A partir du jour de son ordination sacerdotale, la vie de Joseph fut une longue série d'extases, de guérisons miraculeuses et d'événements surnaturels sans précédent chez tous les autres saints. Pendant les dix-sept années qu'il passa à Grottella, on recensa plus de soixante-dix lévitations. La plus merveilleuse s'étant produite au moment où les frères bâtissaient un calvaire. La croix du milieu mesurait plus de dix mètres de haut et nécessitait l'intervention de dix hommes pour la soulever. Saint Joseph aurait "volé" sur soixante-dix mètres de la porte de la maison jusqu'à la croix, l'aurait prise dans ses bras "comme si c'était une plume" et l'aurait mise en place. La vie quotidienne de Saint Joseph fut entourée de phénomènes si étranges que, pendant trente-cinq ans, il ne fut pas autorisé à célébrer de messe en public, à se trouver au chœur, à prendre ses repas avec les frères ou à assister aux processions et autres rassemblements publics.

En 1645, l'ambassadeur d'Espagne auprès du Saint-Siège, l'amiralJuan Alfonso Enriquez de Cabrera, accompagné de sa femme et des hommes de sa suite, rencontre Joseph au parloir du couvent d'Assise. Le saint, prévenu, entre normalement dans la pièce, mais son regard est attiré par la statue de la Vierge située à quatre mètres de hauteur. Aussitôt, il s'élève dans les airs en passant au-dessus de la tête de l'ambassadeur et de son épouse et de tous les témoins présents. La femme s'évanouit. Joseph redescend jusqu'à l'endroit où la lévitation a débuté et regagne sa cellule en marchant, confus de ce qui lui est arrivé.

La lévitation la plus connue se passera certainement en présence du pape Urbain VIII lors d'une audience adressée aux moines du couvent où vivait Joseph. En effet après s'être agenouillé pour baiser les chaussures en cuir rouges du Pape, Joseph lui-même s'éleva en l'air au-dessus du trône pontifical où le pape siégeait. C'est alors que le Pape Urbain dit au Supérieur du Saint : « Si le frère Joseph meurt durant Notre pontificat, Nous voulons servir de témoin à son procès [de canonisation] pour déposer du prodige dont Nous venons d'être témoin. »

1661.Joseph demande la permission de dîner dans sa cellule pour étudier un peu plus longtemps avant les vêpres. Le père Giani ne peut refuser face à cette assiduité. On lui donne alors une assiette pleine et un petit cruchon d'eau. Sergio, le plus jeune frère du monastère à 17 ans, s'enfonce jusqu'au bout du corridor des cellules, jusque-là où se trouve le placard à balai qui sert de chambre au père Joseph. On ne l'enferme plus depuis longtemps, car il fait preuve d'une obéissance déconcertante. Le jeune moine pousse la porte, s'attendant à trouver le prêtre endormi ou en prière. Mais il se fige. Les yeux fixés sur la statuette de la sainte Vierge perchée au bord de la minuscule fenêtre, le père Joseph est en effet en prière… un mètre au-dessus du sol. Cela ne dure qu'un court instant avant qu'il ne redescende et ne se tourne vers son visiteur. C'est un vieil homme avec beaucoup de cheveux gris, les joues creuses et un regard perdu.

La dernière lévitation est datée du 15 août 1663 ; elle a lieu lors d'une messe que le saint prêtre célèbre. À cette date, il est atteint par une forte fièvre qui fatigue son organisme déjà secoué par l'ascétisme et les renoncements. Dans les premiers jours de septembre, alors qu'il est alité, il dit à ses frères l'entourant : « L'âne a commencé à gravir la montagne. » Il reçoit les derniers sacrements puis, le 18 septembre 1663, il s'éteint en paix en récitant les Litanies de la Sainte Vierge Marie.

Dans l'enquête ecclésiastique, qui eut lieu après sa mort, le frère Marie des Anges qui l'avait connu déclara : « Son corps et ses vêtements exhalaient une odeur que je ne puis comparer à aucune odeur artificielle ou naturelle… partout où il passait il laissait ce même parfum et j'ai eu l'occasion de le sentir tout le temps que j'ai passé près de lui. »

De plus, le Pape Jean Paul II décrira Saint Joseph de Copertino, comme un authentique Franciscain, et dira à son sujet :

« Patron des étudiants, Saint Joseph de Copertino encourage le monde de la culture, en particulier de l'école, à fonder son savoir humain sur la Sagesse de Dieu. Et c'est précisément grâce à sa docilité intérieure aux suggestions de la Sagesse divine que ce Saint particulier peut se présenter comme un Guide spirituel pour toutes les catégories de fidèles. Aux Prêtres et aux Personnes consacrées, aux jeunes et aux adultes, aux enfants et aux personnes âgées, à quiconque désire devenir disciple du Christ, il continue d'indiquer les priorités que ce choix radical comporte. La reconnaissance du Primat de Dieu dans notre existence, la valeur de la prière et de la contemplation, l'adhésion passionnée à l'Evangile « sine glossa », sans compromis : telles sont certaines des conditions indispensables pour être des témoins crédibles de Jésus, recherchant avec amour son saint Visage. C'est ce que fit ce mystique extraordinaire, disciple exemplaire du « Poverello » d'Assise. Il brûla d'un tendre amour pour le Seigneur et vécut au service de son Royaume. »

Par ailleurs, les qualités de Joseph font de lui un exemple remarquable de religieux contemplatif. Humble, charitable, pauvre, priant et pleinement obéissant (à ses supérieurs, aux évêques, au Saint-Office, au pape, etc.) jusque dans les tracasseries qu'il subit en raison de ses charismes peu communs. Joseph est incapable de dire le moindre mal sur quelqu'un, y compris sur ses persécuteurs. On ne l'a jamais entendu critiquer, insulter, invectiver quiconque, et il obéit, totalement confiant dans la providence divine, lorsqu'il est contraint à l'isolement. La réputation de lévitation qui marqua la vie du saint explique qu'il ait été spontanément considéré comme le patron de tous les métiers liés à l'aviation et aussi des cosmonautes. Il a toujours été considéré comme le patron des étudiants et en particulier des candidats aux examens à cause des énormes difficultés scolaires qu'il rencontra jusqu'à son ordination.

Sa participation au mystère de la Passion du Christ était émouvante. Le Crucifix était toujours présent dans son esprit et dans son coeur, parmi les souffrances d'une vie incomprise et souvent pavée d'obstacles. Il versait de chaudes larmes en pensant à la mort de Jésus sur la Croix, en particulier car, comme il aimait le répéter, ce sont les péchés qui ont transpercé le corps immaculé du Rédempteur sous le marteau de l'ingratitude, de l'égoïsme et de l'indifférence. Un autre aspect important de sa spiritualité fut l'amour de l'Eucharistie. La célébration de la Messe, ainsi que les longues heures passées en adoration devant le tabernacle, constituaient le coeur de sa vie de prière et de contemplation. Il considérait le sacrement de l'Autel comme une « nourriture des anges », un mystère de la foi laissé par Jésus à son Eglise, un Sacrement où le Fils de Dieu fait homme n'apparaît pas aux fidèles face à face, mais coeur à coeur. Avec ce suprême mystère, affirmait-il, Dieu nous a donné tous les trésors de la toute-puissance divine et nous a révélé l'abondance de sa miséricorde divine. Du contact quotidien avec Jésus Eucharistie, il tirait sérénité et paix, qu'il transmettait ensuite à ceux qu'il rencontrait, rappelant qu'en ce monde, nous sommes tous pèlerins et étrangers en chemin vers l'éternité.

Ses lévitations ne sont pas de l'ordre de la magie. C'est le Christ qui lui a fait vivre ces expériences bien réelles, grâce certainement à sa foi très profonde. Ces expériences peuvent nous rappeler qu'à l'image des aviateurs, dont Saint Joseph de Cupertino est aussi le patron, nous pouvons nous rappeler que comme chrétien, si nous avons les pieds sur Terre en étant du Monde, nous ne sommes aussi pas du Monde, car nous avons déjà en vue le Ciel.