Marthe Robin : conversations inédites

12/04/2025

" Je t'ai choisie pour ranimer dans le monde l'amour qui s'éteint." Cette parole du Christ à Marthe Robin résume sa mission, celle de révéler l'Amour inconditionnel de Dieu pour chacun. Plus de 100.000 visiteurs, prêtres, évêques se pressent à son chevet et témoignent. Changeant la vie de milliers de gens, elle rappelle que l'amour est plus fort que la souffrance, après 79 années marquée par la maladie et une paralysie progressive de tout son corps. Un sommet du mysticisme.

En 1936, Marthe reçoit la visite d'un prêtre de Lyon, l'abbé Georges Finet, qui devient son père spirituel et avec qui elle fondera l'oeuvre dont le Christ lui a parlé lors de ses "visites" : les Foyers de Charité. Le premier Foyer, précédé par une école de filles, ouvre ses portes à Châteauneuf même, puis l'oeuvre se répand en France et dans le monde entier. Les Foyers, portant une spiritualité très centrée sur un Dieu-Amour, Père des hommes, et sur la présence et l'action de la Vierge Marie, sont un lieu majeur de formation d'une nouvelle génération de laïcs engagés. Ils préparent et anticipent Vatican II, puis deviennent l'un des vecteurs les plus éclairés de l'application de ce Concile.

De 1928 à son décès, en 1981, Marthe vit sans sa chambre. Elle est devenue pratiquement aveugle. Sa semaine est ainsi rythmée: du jeudi au lundi, elle revit la Passion et en porte les conséquences. Les autres jours, elle dicte les réponses à son abondant courrier et surtout elle reçoit plusieurs personnes par jour - jusqu'à plus de 60 en période de retraites. Les retraitants sont invités par le Père Finet à venir la voir. Elle est toujours d'humeur égale, à l'écoute, bienveillante, et si nécessaire, elle donne des conseils. "Cette sainte fille possède un charme et une douceur incomparables", dira un visiteur. Et un autre : "Marthe était très simple... Elle se mettait à la portée de la personne qui venait. Elle se faisait totalement accueil, totalement à l'écoute". Malgré tout ce qu'elle entend, tout ce qu'on lui confie, toute la fatigue de ces rencontres, elle tient mystérieusement le coup.

À partir de 1940, les visiteurs de Marthe la retrouvent - après être passés par la cuisine de la ferme - dans une chambre noyée dans l'obscurité : les yeux de Marthe ne peuvent plus supporter la lumière. Tout juste un fin rayon de la lumière passe-t-il derrière un gros rideau. Marthe ne peut pas se déplacer, bouger, ni s'exprimer par le geste. Tout passe par sa parole. Tout Marthe se donne dans sa voix. Ceux qui l'entendent s'en rappelleront toute leur existence. C'est une voix claire, jeune, relativement lente, précise, bien modulée, parfois vibrante. Marthe s'adresse à chacun avec affection et respect et d'une manière extrêmement adaptée à la personne, y compris, et de manière frappante, lorsqu'elle rencontre un groupe de plusieurs visiteurs. Elle exprime clairement sa pensée et maîtrise la langue française à la perfection. Couchoud, athée convaincu et célèbre qui se convertira après l'avoir vue, en est tout étonné. "Savez-vous ce qui a le plus frappé Couchoud ? dit quelqu'un qui le connaissait, c'est le point de vue littéraire : le sens qu'elle a du mot exact... Oui, il a été stupéfait du sens qu'elle a de la langue française."

Marthe ne pontifie jamais. Elle n'est pas dans une chaire de vérité. C'est une femme qui reçoit ses amis chez elle. Mais c'est un monument de bon sens ! L'Esprit Saint passe à travers les questions qu'elle pose, ses remarques judicieuses et s'il le faut, mais rarement, par de délicates remontrances. Au besoin, elle offre un conseil qui éclaire, voire illumine l'avenir. Parfois, elle surprend le visiteur en devinant (par grâce) son passé, son présent, le fond de son âme. Quoi qu'il arrive, Marthe prie pour celui qui est venu. Si les problèmes ne sont pas réglés sur l'instant. ils se dénouent souvent dans les temps qui suivent cette rencontre. Il n'est pas possible de la quitter dans l'indifférence. Marthe a changé la vie de milliers de gens au travers des phénomènes mystiques qu'elle vivait, en particulier sa capacité à lire dans les coeurs. 

Quand le procès en canonisation de la Vénérable a été ouvert en 1986, les témoignages ont commencé à affluer. Un certain nombre d'entre eux ont été retenus pour le procès. Mais il n'a pas été possible, ni utile, de tous les traiter sous une forme juridique. Et pourtant, que de choses ils nous révèlent sur la personnalité de Marthe ! Il serait si dommage de ne pas offrir au public cette masse d'informations ! Aussi, nous a-t-il semblé intéressant et, au meilleur sens du mot, édifiant, de reprendre un certain nombre de ces confidences et d'en extraire si possible les paroles prononcées par Marthe. Ses mots permettent de la retrouver tout entière. On sentira sa bonté, son humanité, sa simplicité, mais aussi son caractère direct et plein de finesse. Ils laissent transparaître aussi sensiblement son expérience spirituelle : un immense amour de Dieu comme Père, une confiance sans bornes dans l'amour de Marie avec qui elle vivait, un réalisme spirituel extraordinaire de paysanne et de femme d'expérience, un sens du don poussé jusqu'au bout, mais toujours avec mesure. Elle voulait que les visiteurs avancent. Elle était là pour ça.

Marie José G (Paris), témoin de Marthe Robin (Dieu seul le sait - Enquête sur les miracles - Dominique Rouch, p.109 et s.)

"Il m'est très difficile de décrire Marthe Robin. J'ai eu la chance de la rencontrer à l'occasion d'une retraite que j'avais suivie à Chateauneuf avec le Père Finet. J'avais entendu parler d'elle par des amis avec lesquels Marthe était liée et auxquels elle avait donné des conseils. Elle avait, en effet, le pouvoir de trouver des solutions aux problèmes. Toutes les lettres qu'elles recevaient lui étaient lues. Elle répondait toujours. Elle avait très peu de jours pour recevoir, car elle souffrait la Passion, à partir du vendredi, je crois. C'était un véritable privilège de pouvoir l'approcher. Un jour, j'ai demandé au Père Finet une entrevue avec elle. J'étais convaincue que cette rencontre m'aiderait à affronter la plus facilement. Qjelques temps plus tard, j'ai donc pu la voir.

J'ai attendu dans une salle, puis on m'a fait entrer dans sa chambre. J'étais très impressionnée. Les rideaux étaient tirés. Je ne pouvais distinguer qu'une ombre. J'ai aperçu son visage qui dégageait paix et sérénité. Comme on ne pouvait pas s'approcher d'elle, je n'ai pu constater ses stigmates. Je suis restée à ses cotés seulement cinq minutes. Je désirais la toucher, mais si je ne savais pas si j'en avais le droit. J'étais émue. Je me suis assises au pied de son lit. De la voix la plus chaleureuse, elle m'a demandée "où j'en étais". Je lui ai répondu que je voulais rester ici, à Châteauneuf. C'était un endroit si merveilleux, si paisible !

Ensuite, elle m'a demandé ma profession. Je lui ai dit que je travaillais dans une bibliothèque. A ce moment-là, elle s'est écriée : "Et vous trouvez que vous n'avez rien à faire dans une bibliothèque ?". Elle avait l'air de dire que, dans un lieu comme celui-ci, j'avais une tâche à accomplir. Effectivement, j'étais chargée de l'accueil. Je prenais les commandes des livres, je faisais les comptes etc. Mais après le départ des clients, je me disais : "Tiens, un tel est venu et je ne sais rien de lui. Je ne lui ai même pas parlé." J'avais beaucoup de mal à m'extérioriser. Je me sentais à la traîne par rapport à tout. J'étais bloquée et complexée. En voyant Marthe, je me suis tout de suite dit : "Il faut que je change en revenant." Et c'est ce qui m'est arrivé. Le miracle de Marthe sur moi, c'est qu'elle m'a libérée. Elle m'a donné la force de parler aux gens, de m'intéresser aux autres. Je suis devenue plus généreuse, plus sociable. Je ne souffrais plus d'isolement. Plus une personne ne venait à la bibliothèque sans que je ne la conseille sur le choix des livres. Avec certains, j'osais même parler de leurs problèmes. Depuis que j'avais vu Marthe, je parlais. Elle a bouleversé ma vie. Je ne l'ai jamais revue, mais je pense constamment à elle. Je récite les prières qu'elle a composées : "Mon Dieu, prenez ma mémoire et tous ses souvenirs, prenez mon coeur et toutes ses affections, prenez ma volonté toute entière...". Je lui demande de m'aider à aimer Dieu aussi fort qu'elle l'aimait. Je la rejoins dans mes prières et mes invocations."