Jésus transfiguré : la lumière qui met en lumière 

03/02/2025

Transfigurer signifie changer de forme. Le visage de Jésus évoque sa personnalité, il s'est mis à briller comme le soleil. Son vêtement symbolise l'identité, et il est devenu blanc comme la lumière, ce qui lui donne une dimension angélique, à l'image de l'ange du Seigneur qui a annoncé aux femmes que Jésus s'était relevé d'entre les morts (Mt 28.3-6, Marc 9.2-13). Maintenant que Jésus a annoncé sa passion, il peut se révéler pour ce qu'il est en vérité : celui qui vient le Dieu du ciel et de la terre au monde.

« Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et il les conduit seuls à l'écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux : ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle qu'il n'est pas de teinturier sur terre qui puisse blanchir ainsi. Élie avec Moïse leur apparurent ; ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre dit à Jésus : Rabbi, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. Il ne savait que dire, car la peur les avait saisis. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée survint une voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! Aussitôt ils regardèrent autour d'eux, mais ils ne virent plus personne que Jésus, seul avec eux. Comme ils descendaient de la montagne, il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu jusqu'à ce que le Fils de l'homme se soit relevé d'entre les morts. Ils retinrent cette parole, tout en débattant entre eux : que signifie « se relever d'entre les morts » ? » Marc 9, 2-10

1er thème : Moïse et Élise

Dans la pensée religieuse de l'époque, Moïse représente la Loi qui est le signe de l'alliance entre Dieu et son peuple. La loi est au cœur de l'identité d'Israël. Élie représente la prophétie qui est l'actualisation de la loi. Dieu a envoyé des prophètes pour dire les exigences de la justice et de la fidélité lorsqu'elles avaient été oubliées. Moïse et Élie évoquent la loi et les prophètes, les deux premières parties de la Bible hébraïque. Leur présence auprès de Jésus est l'annonce que c'est bien lui qui vient assumer toute l'attente et l'espérance de la première alliance.

2e thème : Le Gloire de Dieu

Dans le récit de la Transfiguration, Jésus est glorifié, il peut l'être maintenant qu'il a annoncé sa passion. Dans la Bible, la gloire d'une personne, c'est la révélation de son être le plus intime, le plus profond. La gloire de Jésus, c'est que la croix n'est pas la défaite de son ministère, mais son accomplissement. Comme l'a écrit le théologien Jürgen Moltmann : « Quand la gloire de Dieu resplendit sur le visage de celui qui a été crucifié par la Loi et par les puissances de ce monde, la Loi et ces puissances ne sont plus souveraines, elles ne sont plus à craindre ni à honorer. La gloire du Dieu crucifié conduit logiquement au renversement de toutes les valeurs. »

3e thème : Le secret messianique

En redescendant de la montagne, les disciples doivent repenser à ce qu'ils ont vécu. Après l'annonce de la passion, la transfiguration les a fait entrer dans le cœur de la manifestation de Dieu. Ils ont eu le privilège d'entrer dans l'intimité de Dieu. En redescendant de la montagne, Jésus leur donne une consigne de discrétion : Ne parlez à personne de cette vision jusqu'à ce que le Fils de l'homme se soit réveillé d'entre les morts. Le couple annonce de la passion/transfiguration ne peut se comprendre que comme annonce du couple crucifixion/résurrection. Tant que Jésus n'est pas crucifié/ressuscité, la transfiguration risque d'être mal interprétée. C'est pourquoi les disciples sont appelés au silence.

Les disciples sont donc surtout préparés par Jésus à sa Résurrection. Pierre et Jean, en particulier, doivent être sur le Thabor, pour attester le jour venu que Jésus ressuscité dans son corps glorieux était bien ce même Jésus qu'ils avaient vu transfiguré. Car ce sont eux qui seront en première ligne à la Résurrection, après Marie-Madeleine. À vrai dire, Pierre et Jean sont bien deux témoins majeurs, mais leur attitude à chacun n'est pas la même au cours de cette séquence où se succèdent la Transfiguration, la Cène, la Passion et la Résurrection. Dans ces quatre événements, il s'agit du corps de Jésus. Il s'agit ce que ce corps de Jésus provoque comme réaction chez Jean et Pierre.

Lors de la Transfiguration, Jean regarde le corps transfiguré de Jésus et adore, tandis que Pierre s'agite et propose d'installer trois tentes. Lors de la Cène, Jean se penche sur la poitrine de Jésus pour écouter les battements de son cœur, tandis que Pierre refuse d'abord de se faire laver les pieds puis réclame de se faire laver les pieds mais aussi la tête. Lors de la Passion, Jean reste au pied de la Croix pour contempler le corps de Jésus crucifié, tandis que Pierre a renié trois fois devant le corps de Jésus enchaîné avant de s'enfuir en pleurant. Lors de la Résurrection, Pierre et Jean ont tous les deux couru au tombeau, et cette fois-ci Jean n'a même pas besoin d'entrer pour voir et croire, tandis que Pierre doit se pencher pour constater que le corps de Jésus n'est plus là.

Prenons Jean pour guide

Bien sûr, Jean est un contemplatif, là Pierre est plutôt un actif. Au demeurant, ça n'empêche pas Jésus de choisir Pierre comme chef des Apôtres. Mais aujourd'hui, prenons Jean pour guide, car il s'agit de voir, de regarder, de contempler ce corps de Jésus transfiguré. Il n'y a rien à organiser, il n'y a pas à s'agiter, il faut se taire et contempler. L'activisme de Pierre en cet instant a quelque chose de déplacé. Avec tout le respect qui lui est dû, Pierre a un peu, en la circonstance, le comportement d'un adolescent d'aujourd'hui qui, lors d'une adoration eucharistique aux JMJ, chercherait à prendre un selfie de lui-même avec le pape François et le Saint-Sacrement en arrière-plan au lieu… d'adorer !

Du visible à l'invisible

En adorant Jésus au Saint-Sacrement, puis en communiant à la messe, nous traversons deux voiles qui ne sont plus des obstacles mais le moyen même que Jésus a choisi pour nous permettre de nous unir à Lui. En adorant le Saint-Sacrement, nous passons du visible à l'invisible. Nous entrons, déjà, dans la gloire du Ciel. Nous voyons, déjà, ce que nous verrons au Ciel : Jésus-Christ en son humanité glorifiée par sa divinité. Ce que Pierre, Jacques et Jean ont seulement entrevu lors de la Transfiguration, nous le contemplons déjà. Ce que Pierre, Jacques et Jean contemplent aujourd'hui dans l'éternité nous est donné dans le temps.

Une illustration : La révélation de Dieu

Un des passages du Nouveau Testament qui a la plus grande densité spirituelle est l'hymne de Philippiens 2 qui évoque le mouvement d'un Christ qui était l'égal de Dieu et qui est devenu le dernier des humains, c'est pourquoi il a été souverainement élevé. C'est par son abaissement qu'il a été élevé à l'image de ce passage. C'est après avoir annoncé la croix qu'il a été transfiguré : Lui qui était vraiment divin, il ne s'est pas prévalu d'un rang d'égalité avec Dieu, mais il s'est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains ; reconnu à son aspect comme humain, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort sur la croix. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu, le Père (Ph 2.6-11).